ABC laïcité E Khaldi

 

La liberté de conscience est fondée sur l'autonomie de jugement.  La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948 proclame que “toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites”.

 

En conséquence la laïcité ne s’oppose pas à quelque religion que ce soit, elle interdit même à l’État d’imposer sa conception des religions ; puisqu’il y a séparation, il n’y a pas de liens entre l’État et les religions. C’est ce qui assure la reconnaissance de l’égalité de tous les citoyens, quelles que soient leurs croyances ou non-croyances.

Citons pour mémoire les deux premiers articles de la loi du 9 décembre 1905 :

Article 1 : La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public.

Article 2 : La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence […] seront supprimées des budgets de l'Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes.”

La République est neutre pour ce qui concerne les convictions de chacun, ce qui permet par exemple à l’école de donner la liberté d’accès à toutes les connaissances, pour tous les élèves : la laïcité est la pierre angulaire de l’éducation et de l’instruction en respectant la liberté de conscience de chaque citoyen en devenir. Elle est un principe d’organisation de la vie en société, assurant la vie commune pacifiée quelles que soient les croyances, les convictions ou les opinions religieuses. Nous fêtons son 113 ème anniversaire cette année.

  1. Eddy KHALDI continue en nous rappelant que la laïcité ne s’est pas construite en un jour.  Il y a eu plusieurs périodes historiques permettant son développement.
  • Le 26 août 1789: la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen fait apparaitre de nouvelles notions juridiques et politiques, qui deviendront les fondations du modèle républicain français.

Parmi elles :

  • L'égalité des droits entre les citoyens ;
  • La reconnaissance des libertés de chacun (liberté d'aller et venir, liberté de pensée, liberté d'expression, etc.) ;
  • La souveraineté de la Nation ;
  • La loi, expression de la “volonté générale” et clé de voûte du système des Droits de l’Homme ;
  • La séparation des pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) ; etc.

Le mot laïcité avait déjà à l’époque de la Révolution française le sens de dissocier le religieux du politique.

  • En 1792 : création de l’Etat-civil dans les mairies. La naissance et la mort ne sont plus de la responsabilité des paroisses mais de la puissance publique. Autorisation du divorce (remis en question en 1810, restauré en 1884). Les mariages, qui étaient jusqu’alors également tenus par les paroisses catholiques sont maintenant sous la responsabilité de la puissance publique, pour éviter l’immixtion du religieux et de ses règles dans le politique. Les registres ont été transférés dans les communes, les mariages civils et religieux sont dissociés.
  • En 1801, retour du Concordat. Napoléon décrète que le catholicisme est la religion de la majorité des français et lui donne des moyens financiers en échange de contrôles (comme d’ailleurs actuellement en Moselle et dans le Haut-Rhin et le Bas-Rhin). Trois cultes en France étaient alors reconnus : catholique, protestant et juif ; mais il y a plusieurs courants dans chacun d’eux, et il existe plusieurs dizaines de religions, et c’est difficile de les définir …
  • En 1850, la loi Falloux rend l’enseignement religieux obligatoire. Les tenants du parti clérical revendiquent « Dieu dans l’éducation, le pape à la tête de l’Église, l’Église à la tête des civilisations ». Cette loi autorise l’enseignement catholique et permet aux instances catholiques d’influer sur les programmes. Il aura fallu attendre l’année 2000 pour qu’elle soit abrogée (à l’exception toutefois de certains articles qui demeurent encore dans le code de l’éducation et concernent les modalités de l’enseignement privé…). Les athées, les agnostiques, les indifférents, les a-dogmatiques, les libres penseurs n’étaient pas représentés dans ces dispositions : c’est une source d’inégalités, la République n’était pas “une”, pas “indivisible” !
  • Entre 1881 et 1882, sous la Troisième République, les lois Jules Ferry rendent l'école obligatoire, gratuite et laïque. Elles suppriment la tutelle religieuse, et instaurent l’instruction morale et civique. Elles séparent l’école de l’église et instaurent l’égalité dans l’éducation : en préservant l’école de tout dogme elles permettent de former des citoyens libres et autonomes, qui vont pouvoir former eux-mêmes leur liberté de conscience.

Soit dit en passant, revendiquer la liberté d’enseignement devrait avoir comme conséquence pour les écoles privées de ne pas demander de financements à la puissance publique, et devrait pousser à abroger la loi Debré de 1959 (qui porte sur la question des modalités de l’aide publique à l’enseignement privé, financièrement intéressante pour lui et sans avoir comme contrepartie un contrôle strict de l’État).

  • En 1886, la loi Goblet prolonge les lois Ferry et déclare que l’enseignement dans les écoles publiques doit être assuré par un personnel exclusivement laïque. La laïcité n’est pas de l’anti-religion, ce n’est pas une conviction, c’est le droit d’en avoir une, quelle qu’elle soit. C’est un principe politique.
  • La Séparation des Eglises et de l’Etat est proclamée en 1905. La République assure la liberté de conscience, garantit la liberté d’exercer des cultes ; l’état et les institutions sont neutres, et chaque religion est libre de ses pratiques à condition de respecter l’ordre public.

C’est une loi de sécurité publique ; tant que la foi ne prétend pas imposer sa loi, la loi de 1905 (art. 2) garantit toutes les convictions. C’est la liberté de conscience qui doit garantir la liberté religieuse et non l’inverse, ce n‘est pas la liberté religieuse qui doit garantir la liberté de conscience, car alors les citoyens ne seraient pas égaux en droits. Le principe juridique sera inscrit plus tard dans la Constitution.

  • En 1946, le principe de laïcité est reconnu dans la Constitution de la Vème République.